Ne venez lire ci-dessous que si vous le désirez ce soir.
Clémence ou comment croire sans voir…
Je vais vous raconter l’histoire de la petite Clémence… un soir du 31 décembre…
-« Maman, maman !!! » s’écria la petite Clémence. « Pourquoi il n’y a pas de neige cette année ? »
-« Ma puce » répondit Caroline. « Je ne peux t’expliquer le pourquoi de ce noir, de ce froid et de cette pluie mais tu as le pouvoir de voir la neige. Tu dois imaginer notre jardin couvert de ce manteau blanc et les images se formeront dans ton esprit. »
-« Hum… » répliqua la choupette, le nez contre la vitre et le menton reposant entre les paumes de ses deux mains.
Clémence était la cadette de 14 enfants issus du mariage de Daniel et de Caroline. La vie était dure : le papa devait honorer deux emplois pour offrir à sa famille le strict nécessaire vital. Caroline s’occupait de la bonne marche de la vie de cette grande famille, elle élevait ses 14 enfants en se privant de tout superflu. De tout sauf de l’amour qu’elle puisait dans son quotidien. Daniel travaillait en journée comme ouvrier dans un haut-fourneau de la région et comme homme à tout faire dans un orphelinat. Il partait chaque matin à 5 h. et rentrait chaque soir à 17h. Il partageait une toute petite heure avec sa petite famille, se nettoyait en vitesse à l’eau froide pour garder la chaude pour les enfants et repartait pour le centre Saint-Blaise où il s’occupait de petits travaux de menuiserie, de réparations électriques, de besognes en peinture ou de minuscules jobs divers que le personnel du centre n’avait pas le temps d’accomplir. Il travaillait très dur et ne rapportait que peu d’argent à la maison. Daniel n’avait pas pu offrir de jouets pour Noël aux plus jeunes de ses enfants, juste un sapin que lui avait donné le directeur de Saint-Blaise : le curé Elie. Caroline, sa courageuse épouse avait réalisé un sirop en cuisine et avait trempé de petites pommes dans ce liquide sucré. Avant que le sirop ne sèche autour du fruit, elle avait trouvé le moyen de placer une cordelette en guise de crochet. Ensuite Caro accrocha une trentaine de ces petites pommes enrobées aux branches du magnifique sapin Norton qui trônait dans un coin de la seule pièce à vivre de la maison. Championne de pâtisserie en tout genre, Caroline réalisa également de petits gâteaux à la cannelle de formes diverses : des petites étoiles, de mignons petits sapins et des jolis petits bonhommes en pâte à cake. Elle y inséra par la suite de petits bouts de cordons de tissus colorés et les plaça l’un après l’autre au bout de plusieurs branches du conifère majestueux. Chaque petit bambin avait pu le 25 au matin décrocher et déguster ces décorations en buvant ensemble un verre d’un délicieux chocolat chaud fait maison. Clémence voyait ses cousins et cousines à la ville se vanter du dernier jeu vidéo reçu ou de la dernière poupée que le Père Noël avait placé au pied de leur propre sapin garni de boules multicolores et de guirlandes lumineuses clignotantes. La petiote de 6 ans ne comprenait pas pourquoi Santa évitait sa maison chaque année. En silence elle pleurait dans le lit qu’elle partageait avec une de ses grandes sœurs.
-« Pourtant, nous sommes sages Père Noël », lui disait-elle d’une prière entre deux sanglots.
Caroline n’était pas dupe et voyait le désarroi de ses enfants. La seule solution trouvée n’était autre que l’esseulement de sa famille par rapport aux cousins et cousines enfants de ses propres frères et sœurs. Ceux-ci avaient été plus favorisés par la vie… il n’y avait pas de raison valable à ce fait-là mais c’était ainsi…
Le 26 décembre de cette dernière année Clémence se leva et décida de ne plus jamais pleurer, de ne plus croire en un Noël triste répétitif… plus jamais !
La vie reprit son cours… l’hiver se termina et le printemps arriva. Malheureusement la crise économique se fit plus pesante encore et Daniel perdit son emploi au haut-fourneau. Il chercha du boulot et chercha encore. Il alla frapper à toutes les portes et chaque patron d’entreprise ne put lui donner sans cesse la même réponse : « je suis désolé et malgré vos impressionnantes qualifications, je suis incapable de vous embaucher pour le moment. Revenez dans quelques semaines. »
Les grandes vacances revenues, Caroline occupait ses enfants. Dans le grand jardin chaque mètre carré avait été cultivé et la petite Clémence jouait. Oh mais ses jeux n’étaient pas ceux que vous connaissez… non… elle faisait croître des potirons, des carottes, des tomates, des courges, des salades, des haricots et des pommes de terre. La famille élevait aussi des poules et des canards. Huit petites chèvres leur avaient été offertes par une vieille dame du village et les bêtes leur donnaient du lait que Caroline transformait parfois en fromage.
Monsieur le curé du village avait donné à la petite tout un échantillonnage de graines que Clémence avait soigneusement plantées. Avec la fin de l’été, les habitants du petit hameau se mirent à repenser à la fête d’Halloween, à Saint-Nicolas, Père-Noël et à la Saint Sylvestre. Le bourgmestre programma la fête des potirons et demanda à la petiote de vendre ses plus beaux specimens.
-« Un, deux, trois euros », compta la bambinette. « Quatre, dix… vingt euros… hum ! si papa Noël ne vient pas à moi, moi j’irai à lui !!! »
Clémence mit de côté ses petits revenus issus de ses ventes puis elle alla trouver le curé.
-« Monsieur le curé, j’ai dans le creux de ma main les sous que je vous dois pour la location de la table de la fête d’Halloween. Je vous les donne. »
-« Non » répondit le prêtre, « ce sont les sous de tes ventes de légumes pitchounette. Tu peux les garder. »
Clémence fit la moue devant cet homme d’une septantaine d’années aux cheveux blancs en bataille. Elle savait que tout travail mérite salaire et avait conscience que la table mise à sa disposition lors d’Halloween avait empêché le prêtre de vendre ses propres produits destinés à la caisse de la paroisse. Monsieur le Curé essaya de la rassurer en lui promettant que les villageois ne souffriraient pas de ce petit manque à gagner. Il lui demanda :
-« Clémence, que veux-tu faire avec cet argent ? »
La petite s’assit près du prêtre et lui expliqua que le Père Noël ne venait plus apporter de jouets ni à ses frères et sœurs ni à elle-même. Elle lui raconta sa tristesse de voir cette magie s’éteindre au sein de sa famille puis elle lui dit :
-« Mais Monsieur le curé… le Père Noël n’est pas un personnage chrétien n’est-ce pas ? »
-« Oh au sens strict non Clémence mais détrompe-toi ma petite chérie. Santa Claus n’est autre à mes yeux que Saint-Nicolas. Le folklore humain qui entoure la fête de Noël est païenne. Je ne dis pas que Saint-Nicolas ne fait pas partie de la fête de Noël mais il est plus simple et facile de rêver d’opulence que de rechercher la véritable raison de la fête de Noël. Santa Claus ou comme tu dis Père Noël n’est autre que le grand saint dans tout ce fourmillement humain. Il est l’esprit de Noël, il est le messager, le Saint Patron des enfants. »
-« Oui » dit-elle. « des enfants sages et mes frères et sœurs sont sages et n’ont rien… ! Je ne comprends pas… »
-« Mais tes parents t’aiment et font tout leur possible pour vous offrir de quoi vivre simplement. »
-« Bien sûr Monsieur le curé mais j’espérais un petit peu plus… oh pas beaucoup mais par exemple un camion en fer pour mon frère Oscar et une poupée même en chiffons pour ma sœur Agnès. »
-« Je te comprends » lui répondit le prêtre. « Confie-moi ton argent et cette année je demanderai à Saint-Nicolas ou à Père Noël de répondre à ta demande. Je lui paierai de ta part son trajet si il n’est pas à l’heure. »
Il renvoya la petite Clémence dans ses foyers et essaya de trouver une solution au problème de la pupuce.
-« Hum… » dit-il. « Comment faire… il ne reste que deux petits mois avant Noël. » Il alla se coucher anxieux et inquiet.
Le lendemain il prit le chemin de la ville et se rendit chez une de ses vieilles connaissances qui tenait une chemiserie artisanale : »Le costume d’or ». Il expliqua son problème à Anna, la patronne couturière de ce magasin. Elle regarda le prêtre et dit :
-« Elie, je vais te fabriquer un costume sur mesure : LE costume du Père Noël, tu l’enfileras et tu passeras chez cette famille avec le camion et la poupée que tu auras au préalable achetés avec l’argent de la petite. »
Le curé retrouva le sourire et s’empressa de partir acheter les jouets.
Anna se parla à elle-même :
-« Il n’y a qu’un problème… je ne pourrai terminer le costume pour Noël… il me manquera une semaine. J’espère qu’Elie trouvera les mots auprès de la pitchounette… »
Novembre et décembre passèrent et Clémence, très triste de cette nouvelle déception de la fête de Noël passée à manger les confiseries du sapin et se retrouva le 31 décembre au soir…
-« Encore une année qui passe… encore une sans réponse de Père Noël. Décidemment cette fête n’est pas pour nous les pauvres… »
Daniel, Caroline et les « 15 » enfants du plus petit au plus grand assis à table terminant leur repas de la Saint-Sylvestre sans grand enthousiasme, entendirent soudain frapper à la porte d’entrée. Daniel se leva et alla ouvrir.
Un grand et fort homme tout habillé de velours rouge, aux bottes de cuir noir et à la ceinture bouclée d’un médaillon doré apparut dans l’embrasure de la porte. Il déposa un gros sac de toile rouge couverte de dorure et de fourrure blanche, chercha la petite du regard et la voyant assise lui dit :
-« Clémence, je viens de recevoir le message du Curé Elie, ton ami. Il me demande de l’excuser, il n’a pas pu me joindre plus tôt. Il y a dans ce sac un cadeau pour chacun d’entre vous et un particulier pour ton papa Daniel. » Il se tourna vers l’homme de la maison et lui dit : « Madame Anna, en ville, vous engage Daniel comme commis à partir de demain. Vous transporterez ses commandes à tous ses clients et ce jusqu’à nouvel ordre. »
Daniel ému aux larmes prit le vieil homme dans ses bras. Durant l’étreinte le Papa Noël vit l’émotion perceptible sur le visage de la petite fille. Il mit un genou à terre afin d’être à la hauteur de la tite pitchounette et demanda à Clémence de venir près de lui.
La petite fille s’exécuta… Lentement elle lui caressa la chevelure blanche ondulée, lui toucha la barbe entre ses deux petits doigts puis se jeta à son cou en lui disant tout bas :
-« MERCI Père Noël… ou… plutôt merci curé Elie. J’ai reconnu vos beaux yeux bleus derrière vos lunettes, vos cheveux fins blancs bouclés et votre douce et belle voix. »
Le vieil homme un peu gêné la regarda. Elle se rapprocha à nouveau de son oreille et continua :
-« Qu’importe la date… le Père Noël est venu apporté le plus beau cadeau à ma famille : un bébé à mon grand frère là-bas assis. Il est encore dans le ventre de sa maman Céline mais il s’appellera Nicolas et… hum… il a amené avec ce bébé l’esprit de Noël que j’avais perdu… mais merci de tout mon cœur mon Père Noël à moi toute seule. Je vous aime tant… merci. »
-« Il me semblait bien », dit le vieil homme, « que vous n’étiez que 14 enfants dans cette famille et là, vous êtes 15 voir même 16 à table en plus de vos parents. Je te félicite Clémence d’avoir ravivé l’esprit de cette fête. »
Par la fenêtre le curé Elie montra à la petite Clémence maintenant âgée de 7 ans que la neige s’était mise à tomber à gros flocons. Un fin tapis blanc recouvrait déjà le sol.
Sur cette entrefaite les 12 coups de minuit sonnèrent dans le lointain et le curé Elie dit à la famille avant de repartir :
-« MERCI à tous d’avoir cru sans avoir vu au préalable. C’est cela la fête de Noël. Comme me l’a dit une petite personne super intelligente et sensée qu’importe le temps et la date…
Moi je vous le dis : qu’importe la météo, la période de l’année, la richesse des plats à table. Noël est un état d’âme… un ensemble de sentiments… un esprit passé, présent et futur…
Joyeux Noël à toute votre famille et mille souhaits pour l’année nouvelle. Prenez soin les uns des autres. » et il conclut en regardant Clémence :
« Prends soin de Nicolas lorsqu’il sera là. Montre-lui ce qu’est croire sans voir… Je t’aime Clémence. »
Le Père Elie ou… le curé Elie comme vous voulez repartit en laissant son sac rempli de bonbons, de jouets et de vêtements nouveaux pour chacun d’entre-eux.
L’Esprit de Noël est là… inutile de mettre une date à cette présence intemporelle… il suffit de croire et la magie ressurgira toujours où que l’on soit…
Voilà, mon conte « du 1er de l’an ». A vous tous et toutes je souhaite une excellente année 2013.
Gros bisousChantal