Ceci n'est pas un recueil de recettes mais la "dernière" page d'un livre nommé "Les recettes wallonnes de ma grand-mère". Ce livre m'a été offert par mon ancienne collègue Nicole. Je n'ai plus de contact avec elle mais au moins, ce livre est la meilleure des choses que me soit passé entre elle et moi. Bref...
Je vous écrit donc ce qui se trouve en couverture arrière :
"Associer l'initiation au parler patoisant et la (re)découverte de recettes des différents coins de Wallonie, laissées en héritage par une série de grands-mères expertes en gourmandise : voilà ce que propose le dernier-né de la collection "Reflets de terroir" des Editions CPE"
Ce livre, dédié au savoir-faire traditionnel et savoureux des aïeules, propose un incursion originale dans les casseroles, leurs effluves, et les secrets gastronomiques de Mamies wallonnes. L'auteure, Rose-Mary Hermans Cocq, qui fut hôtelière et restauratrice avant d'être chargée de cours dans une école supérieure de gestion hôtelière, ne se limite pas à collecter des recettes évoquant de façon pertinente ou amusante le terroir dont elles sont issues. elle va plus loin en proposant, au fil des chapitres, de rapides incursions dans l'environnement dialectal, folklorique, festif et illustré des grands-mères de la première moitié du siècle dernier. De quoi pimenter agréablement les moments passés à feuilleter d'zbord, puis à s'inspirer et, enfin à mettre en œuvre, face au fourneau, les propositions alléchantes énoncées dans ce livre.
Je note cette page arrière du livre en premier, car il se rapporte en premier aux diverses traditions de chez moi. Ensuite, je vais tout l'inverse de ce que l'on fait quand on écrit un livre, c'es-à-dire que je vais vous écrire - ici - et maintenant le prologue car lui aussi est plus "traditions" qu'autre chose donc allons-y pour ce prologue :
J'aurais pu l'appeler Elise, sans plus. Mais voilà, c'eut été au nom de la génétique mettre injustement de côté Marie, Georgette, Germaine, Amandine, Hélène ou Marie-Louise... eh oui, des grands-mères j'en ai eu une flopée. En tout cas, des aînées considérées comme telles selon qu'elles m'ont légué les secrets de leurs marmites au sein de la tribu ou au gré des amitiés et des sympathies nouées hors du cocon familial. C'était le plus souvent en commentant les plaisirs d'un bon repas ou les odeurs savoureuses s'échappant d'une cocotte fumante.
Leurs secrets, elles les avaient couchés à la hâte sur un bout de papier ou consignées d'une écriture soignée dans des cahiers tout racornis, à force d'avoir été exposés aux giclées des casseroles et des poêlons crépitant. Des secrets éprouvés donc, mais des confidences aussi. Elles les murmuraient, entre la poire et le fromage, pour se gausser malicieusement des petites maladresses culinaires décelées dans l'assiette servie par une hôtesse, ou pire, dépistées à la maison et corrigées à force de goûter et de goûter encore les préparations récalcitrantes. Des indiscrétions, enfin, qu'on se refile e génération en génération pour encenser ou clouer au pilori une recette "volée" dans des circonstances variant selon l'imagination de la conteuse.
Me voilà donc bien entourée, avec cette kyrielle de grands-mères aux allures très diverses : Marie aux lunettes à monture acajou et aux cheveux blancs ramenés en chignon sur le dessus de la tête, aussi apte à tricoter qu'à faire mitonner le rôti de porc. Amandine, une flamande forte femme, aussi adepte di chignon mais surtout fidèle, dans sa ferme, à la tradition du jambon fumé pendu au plafond de la cuisine et dont on tranchait un morceau au passage. Marie-Louise, dite Mimie, aïeule coquette dont la science et le savoir-faire s'étaient enrichis de quelques expériences gustatives exotiques. Hélène, férue de tradition gastronomique française mais qui ne répugnait pas à s'égarer, sur le plan gustatif, dans les chemins wallons de traverse. Elise au visage tout fripé, ancienne cuisinière au château, qui manipulait aussi bien l'aiguille que les ingrédients de ses préparations; Georgette, enfin, experte rn patchwork, qui cachait bien ses connaissances gastronomiques. Toutes différentes, mes grands-mères, mais toutes les mêmes quand, pour le goûter (ou le "4 heures" si vous préférez) elles saisissaient le pain rond au tour de taille impressionnant, le pressaient sur leur "devantrain" (tablier) et le signaient avec la pointe du couteau avant d'y trancher des miches appétissantes que l'on garnissait de confiture. Ou encore lorsqu'elles confectionnaient la "maquée" (fromage frais au lait de vache) ou bien s'affairaient, devant une panoplie de légumes, à la préparation de la "caboleye" (soupe consistante).
Voilà, la mémoire wallonne collective dont je m'inspire. Voilà, l'escouade de marmitons patentés que j'ai réunie autour du vieux poêle crapaud à charbon (li stûv, en dialecte wallon) et dont j'ai pieusement recueilli l'héritage culinaire du terroir. Aujourd'hui, j'aimerais vous en faire profiter, de part et d'autre de cette ligne fictive de démarcation qui détermine qu'au sud, on est dans le nord de la France et qu'au nord, on est dans le sud de la Belgique... Pour combien de temps encore ? Puisque nos lecteurs français ne sont pas supposés saisir toutes les subtilités belges, nous allons brièvement et sans sacrifier à la rigueur de la réalité complexe du terrain, les aider à mieux cerner les références géographiques et culturelles de ce qui s'appelle la Wallonie. Une histoire de grand-mère est donc toute indiquée.
Il était une fois... le Belgique... Un pays né des fantaisies de l'Histoire, qui prit un roi après que les Français eurent décapité le leur. C'est, à l'heure où nous écrivons ces lignes, un état fédéral composé, du Nord au Sud, de trois régions : la Flandre, Bruxelles (capitale belge et de l'Europe) et la Wallonie, ainsi que de trois communautés : flamande, française et, en faible proportion allemande. Bruxelles est peuplé de francophones et de néerlandophones, sans compter les nombreux immigrés et les cohortes multilingues de représentants des institutions européennes. Le seul trait d'union indiscutable des communautés indigènes est l'amour des bonnes choses et de la bonne chair en particulier. C'est donc du terroir wallon que sont extraites les recettes et évocations de vie quotidienne, folklorique et festive éparpillées dans cet ouvrage. Un terroir composé d'entités (appelées provinces au plan administratif mais délimitées de façon moins rigide dans le contenu de l'assiette) aux traditions et dialectes propres. Notre périple gastronomique s'articulera dès lors sur les provinces de Liège, du Hainaut, de Namur (où se trouve la capitale de la Wallonie), du Luxembourg et du Brabant Wallon. En ayant à l'esprit que mes grands-mères (et donc leurs recettes) n'étaient pas chacune originaire d'une province différente...
Cet intermède ou trou normand historique (et barbant) étant supposé digéré et bien assimilé, venons-en aux choses sérieuses, et bien sûr... au coq wallon. Pas le coq au vin, rn l'occurrence, car il ne s'agit pas, ici, du gallinacé comestible. Non, je parle du coq hardi, incarnation étymologique de la Gaule et de ses guerriers. C'est à son effigie qu'a été consacrée le drapeau officiel de la région wallonne, montrant sur fond jaune un fier coq rouge, la patte levée. C'est lui qui préside, en septembre, aux fêtes officielles de la Wallonie, des festivités populaires où, loin des discours des politiques, le bien boire, le bien manger et le bien s'amuser drainent aujourd'hui, dans les rues de Namur, des milliers de personnes venues majoritairement d Belgique, certes, mais aussi des zones frontalières de France, du Grand Duché de Luxembourg, voire de l'Allemagne.
Et c'est dans l'esprit du folklore, des traditions et du parler de ce grand rassemblement des Wallons qu'est placé l'esprit de cet ouvrage, consacré à la gastronomie régionale. Une gastronomie qui plonge ses racines très loin... et qui explique peut-être pourquoi, bien nourris par leur grands-mères, les Wallons ses années 50 avant J-C. ont fait dire à César : "De tous les peuples de la Gaule, les Belges sont les plus braves". Taïaut ! Taïaut ! La chasse aux recettes est ouverte. A vos fourchettes !
A partir d'ici, je crois que je vais devoir (moi Chanchan) changer de section afin de mettre mes recettes dans les bons endroits... du moins je crois. En tout cas, c'est ce que je vais faire.
Allez zouuuu ! Direction "recettes de la région des fêtes"
Bisous
Chanchan