Voici le second conte, comme promis.
J'ai pris beaucoup de plaisir à l'écrire, me replongeant dans certains souvenirs très chers à mon coeur.
Je vous souhaite une "bonne lecture"
*************************************************************************
Une certaine fête de Pâques…- « Hé Ho… HE HO Monsieur le Comte ??? »
Vincent, le facteur, était entré par la porte arrière du manoir, comme s’il était toujours venu. Cela faisait presque huit ans qu’il avait été muté à la ville comme gérant d’un bureau de poste. Le stress urbain l’avait poussé à redemander une mutation pour son ancien emploi. Malheureusement il lui fallut attendre tout ce temps pour enfin se voir octroyé un nouveau contrat de gérance mais cette fois, au poste local du village qu’il avait quitté. Il s’était promis qu’au premier jour de travail, il irait ‘comme au bon vieux temps’ amener le courrier quotidien au vieil homme.
- « Je suis là gamin, dans le bureau. Viens ! »
Adhémar ne vivait plus seul au manoir et cela se voyait à la décoration toute nouvelle et fraîche des épaisses murailles. Vincent traversa le grand hall après avoir quitté la cuisine, tout en regardant partout autour de lui. Les meubles avaient gardé leur patine ancestrale mais étaient coiffés de multiples cadres dans lesquels se trouvaient des portraits de 5 enfants. Le plus âgé semblait avoir 8 ans. Le facteur s’arrêta sur ces photos. Ne voyant pas son visiteur le rejoindre, Adhémar se rendit à sa rencontre.
- « Salut gamin ! Et oui… Fini le temps de la cire et des meubles clinquants. Héhé… Que regardes-tu ? »
- « Ce sont vos petits ? »
- « Mes petits ?!? Bien sûr que non Vincent. J’ai eu 98 ans hier !!! Réfléchis un peu voyons ! »
- « Mais par ‘petits’ je veux dire votre descendance, vos… arrières quoi ! »
- « Ce sont les enfants de Maxime oui… Mais dis-moi, que fais-tu ici ? Je me vois encore te dire ‘bonne chance’ lors de ton changement pour la ville. »
- « Je sais Monsieur le Comte mais je crois que je ne suis pas fait pour travailler dans un grand bureau. Ici, au bourg, nous ne sommes que trois et c’est très bien ainsi. Le manoir a changé… Il … il vit. »
Adhémar éclata de rire puis se plaçant au pied de l’escalier qui menait aux étages, s’écria :
- « Jean-Benoît, Marine, Léa… Venez tout de suite ! »
Une petite voix se fit entendre :
- « Oui Papy, nous arrivons. »
Vincent regarda le vieux comte.
- « Nous Monsieur le Comte ?!? Mais combien sont-ils ? »
- « Ah Ca gamin c’est le plus beau de l’histoire !!! »
Des petits pas de cavalcades retentirent sur le palier.
- « Doucement les monstres ! Doucement !!! » dit Adhémar.
Un jeune garçon fut le premier à les rejoindre.
- « Gamin, je te présente mon arrière petit-fils Jean-Benoît. » Une petite fille toute mignonne se montra. « Et voici la deuxième en âge, Marine. Quant à la benjamine qui arrive, c’est Léa. Le gamin a 8 ans ; sa sœur 6 et la petiote Léa a 5 ans. »
- « Et bien Monsieur le Comte, je suis enchanté ! »
- « Oh mais tu ne connais pas les cadets : Charles et Louis, les jumeaux. Ils ont 2 ans et sont avec leur mère Clémence aux serres. »
- « Bon sang Monsieur, Il y en a du monde ici maintenant ! » Vincent n’en revenait pas. Le senor, bien qu’il ait 98 ans, semblait bien alerte bien qu’une canne l’aidait dans ses mouvements.
- « Allez dire à votre maman qu’il y a du courrier de votre père les petits. Tenez, donnez-lui la lettre. » Adhémar tendit le courrier à l’aîné qui s’en alla en disant :
- « Venez vous deux, on va chercher maman. »
Les enfants quittèrent le manoir en courant.
- « Doucement les monstres !!! doucement ! »
Les petits stoppèrent leur course d’un cœur commun et en marchant prirent la direction de la grande serre.
Vincent sourit et dit :
- « Le manoir a retrouvé une nouvelle jeunesse. Et je vous trouve en excellente santé. »
Le Comte tapa sur son estomac quelque peu proéminent.
- « Oui, regarde-moi ce bidon » dit-il. « Clémence m’engraisse véritablement. Elle ne veut que mon bien me dit-elle chaque fois que je le lui fais remarquer. »
- « Elle a raison Monsieur le Comte… Et Maxime comment va-t-il ? »
Vincent avait connu le papa des bambins et le premier contact n’avait pas été des plus chaleureux. Le jeune homme avait mis du temps à s’habituer au manoir et le facteur avait quitté le village après l’arrivée de la petite famille.
Le Comte se dirigea vers la cuisine et répliqua :
- « Il va bien gamin. Il est parti vendre nos rosiers à Amsterdam. »
- « Vos rosiers ??? »
- « Oui Vincent. Clémence et Maxime ont développé deux cultures différentes au domaine. Mon petit-fils s’occupe d’une roseraie derrière les serres et a créé trois nouvelles roses. Les rosiers porteurs sont en culture depuis leur emménagement ici et donnent de bons résultats pour très peu de pertes. Clémence a repris mes cultures d’orchidées. Elle s’est passionnée pour la création d’une énorme serre tropicale qu’elle entretient. Elle est paysagiste et a terminé ses études d’horticulture il y a deux ans. Je vénère cette jeune femme, gamin… elle a redonné une chance à Maxime. Ils ont eu cinq enfants et mènent de front leur métier avec amour et passion. De plus, j’ai renoué avec mes autres enfants. Nous avons créé une fondation. »
- « Une fondation ??? »
- « Oui » continua le vieil homme. « Maxime ayant fait du droit, a trouvé la solution afin de sauvegarder le domaine tout en le valorisant. Il a donné un but de vivre au manoir et à la famille. Nous redonnons vie à de vieilles souches de rosiers, nous … enfin… il traite ses plants, les assainit et enfin les bouture afin de perpétuer la lignée. »
Vincent buvait les paroles du vieil homme. Il était loin le temps où le modernisme ne faisait pas partie du style de vie de la maison. En entrant avec le Comte dans la cuisine, il vit que la jeune femme avait amené sa touche créative au domaine. Il y avait en lieu et place du vieux poêle crapaud, une belle et grande cuisinière vitrocéramique. L’électricité avait été renouvelée et les châssis améliorés. Les vitraux existaient toujours mais les joints entre chaque carreau semblaient actuels.
- « Et oui gamin, tu peux regarder… héhé… les fenêtres ont gardé leur ancien cachet mais Clémence a tout rénové ici. »
Les deux hommes s’assirent et prirent une tasse de café comme dans le bon vieux temps. Adhémar tournait le dos à la porte et il n’entendit pas la jeune femme entrer. Par contre, Vincent remarqua l’entrée de Clémence qui lui fit signe de se taire. Tenant les jumeaux dans chacun de ses deux bras, elle s’écria en entrant :
- « Faites calin à Papy mes Loulous. » Elle déposa les deux gamins sur les genoux d’Adhémar.
- « Ohhhh mes pitchounets, comment allez-vous ? » Charles, le plus téméraire des deux, enlaça fougueusement son arrière grand-père
- « Papy… HUMMMMMM. Maman… lè feurs… bôôô. »
- « Elles sont belles les fleurs à maman… c’est cela ? »
- « Voui ! » répliqua Charles tandis que Louis regardait Vincent interrogatif.
Il se pose des questions le gamin là… » continua Adhémar. « Il ne te connaît pas. »
- « Non héhé… il me dévisage. »
Le petit garçon descendit des genoux du Comte et alla se blottir dans les jambes de sa maman.
- « Mais, tu ne crains rien bonhomme !!! C’est un ami de Papy. » L’enfant caché derrière le pantalon de sa mère, passa la tête et regarda cet inconnu qui accaparait son arrière grand-père qui dit :
- « Mais Louis, viens mon garçon… »
Le petit homme, le pouce en bouche, passa lentement devant sa maman puis, lentement, avança dans la direction du vieil homme qui lui tendait les bras.
- « Viens mon Loulou. Tu veux une galette ? »
Attiré par l’appel de son estomac le petit répondit : « voui », ayant perdu tout semblant de peur.
- « Mais Papy ! Ne les gâtez pas comme cela. Ils ne pourront plus manger ce midi. »
- « Oh pffttt !!! » lança le vieil homme. « Ce n’est pas une petite galette qui va y faire !!! Allez, Charles prends deux galettes et donnes-en une à ton frère. C’est bien bonhomme. Clémence, les jeunes pouces ont-elles repris ? »
La jeune femme se servit une tasse de café et dit :
- « Oui Papy, elles sont toutes là et ne souffrent pas. Je pense que je vais relâcher un peu la surveillance, elles ne risquent plus de dépérir maintenant. Vous avez eu un coup de fil de Maxime ? »
- « Oui chérie. Il arrive ce soir et a conclu un gros contrat avec des Japonais. Je n’en sais pas plus. Nous verrons bien lorsqu’il sera rentré. »
Clémence salua Vincent et dit :
- « Je vous laisse Papy avec votre ami. J’ai reçu une lettre de Maxou mais c’est juste pour le timbre. Jean-Benoît en fait la collection. Je vais donner le bain aux jumeaux, pouvez-vous demander aux trois petits monstres de rentrer s’il vous plaît. Vous… ils vous écoutent ! »
Adhémar se leva et alla jeter un coup d’œil à la fenêtre. Les apercevant, il se rendit sous le porche et cria :
- « Jean-Benoît ! Veux-tu bien laisser Irko tranquille !!! Ce pauvre chien ne t’a rien fait ! Léa, Marine … on rentre. Vous n’avez rien sur le dos et nous ne sommes qu’au printemps ! Je vais me fâcher !!! » dit-il, rouge de colère. Les enfants rentrèrent et filèrent à l’étage en prenant bien soin d’éviter la proximité avec leur Papy.
Vincent émerveillé de voir la métamorphose du manoir répliqua :
- « Je vais vous laisser Monsieur le Comte, je vois que vous ne vous ennuyez pas. »
- « Oh là gamin… je ne demande pas où le bal a lieu le soir venu !!! »
Vincent salua le vieil homme et s’en alla.
Adhémar l’accompagna et le regarda partir.
Les abords du domaine avaient bien changé. Tout était propre et bien entretenu. Les haies munies de jeunes pousses prenaient du volume. Les feuilles naissantes des arbres donnaient de la majesté à l’allée et les jardinières de primevères multicolores offraient un cachet de folie à la belle terrasse. Du haut de la colline, le Comte admirait son domaine prendre des allures de renaissance. Le soleil léchait les contreforts du manoir, réchauffant de ses rayons les pièces encore engourdies par l’hiver passé. Plongé dans ses pensées, la main droite dans la poche et la gauche maintenant sa pipe en bouche, Monsieur le Comte n’entendit pas Marine s’approcher de lui.
- « Papy ? »
Adhémar se retourna tout sourire.
- « Oui Princesse ? »
- « Dans une semaine c’est le passage des cloches de Rome. Crois-tu que nous pouvons fabriquer nos nids de Pâques cette après-midi ? »
La petite aimait son arrière grand-Père. Elle le vénérait même… Celui-ci n’en aimait pas moins cette jolie petite puce.
- « Marine, n’as-tu pas de travail pour l’école ? »
- « Non Papy, madame Axelle nous a dit qu’elle était à l’avance sur le programme et que nous n’avions pas de devoirs à faire à la maison. Tu sais Papy… maman n’a pas beaucoup de temps à nous consacrer avec les jumeaux qui n’en font qu’à leur tête. »
Le vieil homme savait que la petite avait raison et que Clémence donnait ce qu’elle pouvait. Marine était en première primaire et se débrouillait très bien. C’était une enfant surdouée, sachant déjà écrire les basiques à savoir son nom et ce n’était pas une mince affaire ‘Marine de Diksmuide d’Exarde’ ainsi que l’adresse et le numéro de téléphone du domaine. Elle avançait très vite niveau compréhension et pouvait, malgré son jeune âge, parler le français, sa langue maternelle, le néerlandais, la langue que son papa parlait sur son lieu de travail et l’allemand, la langue qu’elle suivait en immersion à l’école. Le comte admirait la précision de la gamine et sa ténacité mêlée à une pointe de préciosité. Elle tenait ce raffinement de sa maman, très fière mais sans trop, de ses origines aristocratiques.
- « Marine », lui dit-il. « Nous laisserons maman se reposer tout à l’heure et ton frère, ta sœur nous rejoindront dans l’atelier. Nous fabriquerons nos nids de Pâques. Cours et préviens les de nos intentions, veux-tu ? »
- « Oui, Papy. Merci beaucoup. Jean-Benoît va être content… et je m’occuperai de Léa. Elle sera calme, tu verras. »
- « Oh mais je n’en doute pas princesse mais tu sais, je peux faire face à la tornade ‘Léa’… De plus, je pense qu’elle va adorer décorer les petits nids. Je vais les prévenir. Merci mon Papy d’amour… »
La petite fille se jeta au coup du vieil homme toujours surpris par tant de démonstration.
Le repas fut pris sur l’énorme table de la cuisine. Un silence religieux clôtura le dîner. Clémence, interpellée par tant de discipline dit :
- « Mais… que se passe-t-il ?!? Vous ne demandez pas pour sortir de table, vous ne vous disputez pas. Vous êtes tous trois exemplaires. C’est bien… c’est très bien mais je me pose des questions… »
Adhémar regarda la jeune femme, lui prit la main et répliqua :
- « Maminotte… ne t’en fais pas, j’ai un deal avec ces petite têtes blondes. Là, je vais aller lire mon journal les petits Lous, mais je veux que vous alliez ramasser des branchages au jardin et attention… interdiction formelle de quitter le domaine et de vous avancer trop en profondeur dans les forêts. Vous avez assez de matière à votre disposition ici, dans le parc… C’est promis ? »
- « Oui Papy » répondit Jean-Benoît.
- « Gamin, tu es l’aîné. Je te fais confiance, tu ne quittes pas tes sœurs des yeux. Votre maman va aller se reposer. » Regardant Clémence, il répliqua :
- « Tu me sembles bien pâlotte ma Clémence. Je vais brancher le babyphone ; vas t’allonger une heure, je reste sur le pont. »
- « Merci Papy… je ne sais pas ce que j’ai, je ne digère pas bien de ces temps-ci et ma tête me fait mal. Merci encore une fois. Les enfants, je vous fais confiance. Jean-Benoît, suis les conseils de Papy et reste dans le parc… ok ? »
Le gamin se leva et ramassa les assiettes.
- « Oui, ne t’en fais pas… Je gère. »
Marine regarda son frère, lui sourit et l’aida à débarrasser. Le comte se servit une tasse de café, prit l’appareil qui lui permettait d’entendre les ronflements des deux cadets et s’en alla vers le bureau en disant :
- « C’est un monde… me voici avec un babyphone à la main, un smartphone en poche et de la marmaille à surveiller. Mon Dieu Adèle… aide-moi ! Ils vont finir par m’envoyer à tes côtés ! »
Vers le milieu de l’après-midi, Adhémar ayant terminé son quart, se changea et passa de vieux vêtements. Il poussa la porte de l’atelier et découvrit trois petites têtes en train de s’afférer à modeler divers petits nids entremêlant diverses branches de forsythia et de rameaux de vigne.
- « Hummmmm », dit-il. « Vous me semblez bien appliqués tous trois. Je peux voir ? »
- « Regarde Papy », répliqua Jean-Benoît. « J’ai ramassé tous ces branchages et j’ai nettoyé les fines branches avec une paire de ciseaux. »
- « C’est bien gamin. »
Le jeune garçon avait emmêlé plusieurs tiges entre elles et montré à sa sœur Marine comment effectuer cette opération. La petite avait capté immédiatement le but de ce tortillage de branches et réussit immédiatement à former une dizaine de petits nids de 30 centimètres de diamètre. La cadette se contentant de les entreposer les uns sur les autres dans un coin de la pièce.
- « Et bien je vois que vous êtes déjà bien avancés. Vous savez quoi… on va aider les cloches de Rome ; nous allons peindre des œufs cuits durs. Les cloches aillées passeront les prendre et les placeront elles-mêmes dans les nids que nous irons placer dans le jardin la veille de Pâques. Léa, viens avec moi, nous allons ramener la couleur, les pochoirs, les œufs, de l’eau, et de la chicorée. »
Les petits se retournèrent, regardant incrédules leur arrière grand-père
- « De la chicorée ??? tu veux du café Papy ? »
Le vieil homme éclata de rire. Reprenant ses esprits, il répliqua :
- « Non les enfants… je vais vous apprendre à cuire des œufs dans une eau brune de chicorée. Votre arrière grand-mamy avait l’habitude de travailler avec les belles cloches dorées et nous allons l’imiter. Le presque centenaire fit un clin d’œil de connivence au petit homme et à la petite princesse tout en s’abaissant pour prendre la petite Léa dans ses bras.
- « Ouch… Choupette, cette fois, tu deviens lourde ou bien alors Papy perd vraiment toutes ses forces héhé !
Allez les gamins, attendez-nous, la pitchounette et moi allons chercher le nécessaire. Jean-Benoît et Marine reprirent méticuleusement leurs occupations. Soudain, la petite fille eut l’idée d’aller voler quelques poignées de paille aux poules et deux ou trois minutes plus tard, elle revint avec des brindilles de foin. Elle tressa de ses petites mains expertes ces fétus avec les branchages rigoureusement emmêlés. Les nids ainsi formés prirent rapidement du volume et du moelleux. Le comte accompagné de sa petite pupuce rentra à l’atelier en disant :
- « Venez les enfants, venez m’aider à déposer le tout sur l’établi. »
- « Oui Papy, attends, on va te donner un coup de main. »
- « Merci les petiots », dit-il.
Il alluma le brûleur de camping de Maxime et attendit que l’eau se mette à bouillir à petits bouillons. Il jeta trois à quatre mesures de chicorée dans l’eau frémissante ; puis délicatement, il déposa les œufs avec une cuillère à soupe et les laissa cuire 10 minutes. Autour de la marmite, six petits yeux regardaient les œufs rouler sur eux-mêmes et lorsque la minuterie sonna, les enfants sursautèrent…
- « Et bien les Loulous héhé ! »
- « On est tellement curieux papy, qu’on s’est fait surprendre hihihi »
- « Oui je vois cela… Allez on retire les œufs… doucement… tout doucement… voilà…
A 8 ans, Jean-Benoît savait que les œufs, les sucreries et autres bonbons n’étaient pas déposés par les cloches de retour de Rome comme le préconisait la tradition locale, mais bien placés dans les nids, équitablement par ses parents. Par contre, Marine et Léa, respectivement 6 et 5 ans, se refusaient encore d’y voir une quelconque intervention familiale. Adhémar fit signe furtivement à son arrière petit fils et dit :
- « Les filles, il va falloir les égoutter maintenant et ensuite les arranger dans un panier en osier pour que les cloches les trouvent sans devoir retourner tout l’atelier. »
- « Mais Papy », dit Léa. « A l’école mes amis disent que les cloches de Rome n’existent pas et que les nids sont fabriqués et fournis par leurs parents. Moi, je me suis disputée avec ma copine Sonia parce que je lui disais que j’avais entendu les cloches passer au-dessus de la maison. Elle m’a traitée de foldingue. Je me suis enfuie et j’ai beaucoup pleuré… Je ne veux plus jamais lui parler !!! »
La petite fille tapa du pied et croisa ses bras sur sa poitrine. Elle fronça ses sourcils et s’emmura dans une pseudo colère.
Le comte s’agenouilla devant elle, lui caressa la joue lentement. L’aînée des fillettes ajouta en s’appuyant sur l’épaule du grand-père.
- « Oui Léa a raison. Elle m’a tout raconté et dans ma classe aussi, les autres me traitent de gros bébés. Je ne dis rien mais cela me rend triste. »
Le vieil homme les prit toutes deux par la main et les entraîna vers le tas de bûches de bois. Il s’assit sur un rondin tandis que les petiotes s’installèrent sur deux seaux mis à l’envers. Il leur dit :
- « Les pitchounes… Vous avez vu la nomination du nouveau Pape à la télévision ? »
Les fillettes lui firent signe ‘oui’ de la tête. Il continua :
- « Et bien, n’avez-vous rien remarqué lors du reportage ? »
Marine réfléchit intensément puis répliqua :
- « Si, il y a eu une fumée qui était toute blanche. »
- « Oui » dit Adhémar. « Mais n’y a-t-il eu rien d’autre ? un son par exemple… »
Léa ajouta :
- « Si papy, les gens sur la grande place, là-bas, criaient et riaient. »
Trouvant que son Papy allait devoir se démener pour trouver de quoi convaincre ses sœurs, Jean-Benoît approcha et prit la parole :
- « Ben Papy, il y avait beaucoup de cris mais il me semble que j’ai vu des cloches au sommet de la basilique. Elles sonnaient en allant d’avant en arrière. »
Le vieil homme soulagé par le soutien impromptu de son arrière petit-fils continua :
- « Oui, c’est bien cela. Il y a de belles et immenses cloches à Rome. Là, elles remerciaient les cardinaux d’avoir nommés un successeur à Saint Pierre et toutes les cloches des différentes églises catholiques du monde entier ont répondu en sonnant elles aussi. Je vous raconte cela pour vous faire comprendre que tous les carillons, même les plus petits, sont en quelque sorte raccordés aux cloches de Rome. Ce jeudi saint, les cloches de notre église du village partiront en grand secret pour la ville sainte italienne et elles ne reviendront que le jour de Pâques en parsemant de-ci de-là, les œufs patiemment récoltés. »
Les petites filles écoutaient leur arrière grand-père en buvant ses paroles. Léa leva son petit doigt en disant :
- « Papy, pourquoi des œufs et pas des pralines ou des guimauves ? »
Le vieil homme lui répondit :
- « Et bien ce sont des œufs parce que les œufs ont une signification bien particulière. On dit d’un œuf qu’il représente la renaissance ; et pour nous qui sommes croyants, nous fêtons la résurrection de Jésus-Christ. Il est mort sur une croix en se sacrifiant pour sauver, de par ce fait, le monde entier. Il est ensuite revenu à la vie… on appelle cela : la résurrection, la renaissance. L’œuf en est un symbole tout comme le lapin. »
Marine dit :
- « oui, il y a aussi des lapins dans les décorations de Pâques, je croyais que c’était pour faire joli. »
- « Pas uniquement », dit le vieil homme. « Le lapin est aussi un symbole païen. On dit d’un lapin qu’il représente la fécondité ; ou si vous préférez qu’il donne vite naissance à des petits lapins. Il donne vite la vie et un lapin peut être papa très très souvent tellement il fait cela bien et rapidement, ce qui correspond aussi à l’image que l’on se fait du renouveau puisqu’un bébé est signe de nouveauté et de vie.
Les fillettes émues retournèrent à la finalisation de leurs nids puis les rangèrent avec l’aide de Léa dans un coin accessible de l’atelier. Ils finirent leur journée en allant tous trois se promener avec leur arrière grand-père afin de décider de l’endroit où les réceptacles à friandises de Pâques allaient être placés. Le soir venu, Clémence, reposée, regarda la vieille horloge du living et dit au vieil homme :
- « Maxime m’a téléphoné tout à l’heure et a annoncé son retour pour dans une grosse heure. Je vais aller donner le bain aux gamins Papy. Je vous laisse avec les Charles et Louis ? »
- « Bien sûr, Clémence, vas-y et prends le bain douche à l’abricot pour tes filles. Je l’ai acheté spécialement pour elles ; la jeune maman se leva et grimpa les marches en criant :
- « Les enfants… Papa va bientôt rentrer de son voyage. Si vous voulez rester avec lui quelques minutes avant d’aller au lit, il faut que vous preniez votre douche maintenant. »
Les enfants crièrent de bonheur et rejoignirent leur mère. Adhémar jeta un coup d’œil furtif vers les jumeaux. Assis sur une épaisse et chaude couverture, les petits jouaient avec des cubes de bois peints. Sur chaque face d’un cube figurait une partie d’une image représentant un personnage de Disney. Tous deux imprégnés par la tâche de reconstituer ce puzzle en 3D, ils ne virent pas le vieil homme s’approcher d’eux. Doucement celui-ci s’installa à côté d’eux deux. Il les admira quelques minutes et pensa très fort au bonheur que sa tendre épouse ne pouvait partager avec lui. Soudain, une petite main déposa un bloc dans la sienne. Charles se tenait debout en face de lui, souriant et compatissant. Le comte lui passa la main dans les cheveux. Les deux gamins, du haut de leur deuxième année, ne se comportaient pas en petits monstres. Ils étaient sages, calmes et ne se quittaient jamais. Louis jouait souvent au guide envers son frère plus bohème. Charles se reposait toujours sur les actes décidés par son jumeau et cela lui convenait bien. Il était un bon compagnon et ne refusait jamais de partager ses jouets. Ils étaient, comme qui dirait, complémentaires et ne se disputaient jamais. Adhémar se mit à jouer avec les petits et il parut retrouver ses trente ans tellement ils s’amusaient.
Le bain pris, les trois aînés s’assirent côte à côte sur le canapé tandis que Clémence couchait les plus petits.
- « Papy, on peut regarder Bambi ce soir ? »
Adhémar se dirigea vers la commode, l’ouvrit et en sortit un DVD.
- « Jean-Benoît, peux-tu jouer ce disque s’il te plaît car le lecteur se refuse de fonctionner dès que j’y touche. »
- « Bien sûr Papy », lança le gamin qui s’exécuta. Les deux fillettes se placèrent convenablement et le petit homme vint s’asseoir sur les genoux de son arrière grand-père. La jeune maman redescendue de la pouponnière des jumeaux, vint elle aussi s’asseoir et dit :
- « Mais Jean-Benoît… laisse ton grand-père en paix et vient ici près de moi. »
- « Ne t’en fais pas puce, il ne me gêne absolument pas et je dois dire que j’aime partager ces moments de quiétude avec lui. Reste près de moi bonhomme », lui dit-il. Nous allons regarder ce film ensemble. »
Deux heures plus tard, tout ce joli petit monde avait rejoint le pays des rêves lorsqu’une porte s’ouvrit.
Réveillé par le bruit, le jeune garçon courut rejoindre son papa.
- « Papa ! Papa ! te voilà !!! »
Maxime lâcha son attaché-case, prit son fils dans ses bras et tournoya sur lui-même en riant et en l’embrassant sans cesse.
- « Dieu que vous m’avez tous manqué !!! » dit-il.
Clémence se leva et alla embrasser tendrement son époux.
- « As-tu fait bon voyage Max ? »
- « Oui, excellent ! » répliqua-t-il. « Et toi ma chérie, te sens-tu mieux ? »
La jeune femme avait expliqué son malaise du début d’après-midi. Le regardant intensément, Clémence sourit avec amour et répliqua :
- « Maintenant que tu es rentré, je pense que je peux vous annoncer une nouvelle. »
Adhémar qui venait à peine de s’éveiller, ne comprit pas immédiatement ce à quoi il devait s’attendre à entendre. Il scruta le visage de la jeune femme qui continua :
- « Oh je m’excuse Papy mais je ne voulais pas annoncer cela sans que mon mari ne soit là pour partager ma joie.
Le comte surpris, fixa de plus belle sa petite-fille et dit :
- « Mais non de non Clémence !!! vas-tu enfin nous dire !!! »
La jeune épouse, plaça sa main droite sur son ventre et répliqua :
- « Je pense que j’attends un nouvel enfant Papy. »
- « Encore ?!? En es-tu certaine ??? »
Le vieil homme s’appuya sur le bord en marbre de l’appuie de fenêtre et continua :
- « Un sixième petit gars ? Non ?!? C’est vrai ? »
- « Oui Papy, Maxime le sait depuis ce midi. J’ai reçu un coup de fil de mon médecin tout à l’heure me confirmant la nouvelle et j’ai téléphoné à mon tit homme directement. Il m’a demandé de patienter pour vous l’annoncer. »
Le Papy, décontenancé, se passa la main dans les cheveux puis les regardant tout deux leur dit en leur ouvrant les bras :
- « Et bien vive les grandes familles !!! » et il éclata de rire tandis que Max et Clémence se blottirent dans les bras du vieil homme.
Adhémar les embrassa puis calmement dit :
- « Bon pupuce, je vais demander à Gontran de venir transformer l’étage. Il te faut plus d’espace maintenant. De plus, cette baraque est immense et il est inutile de laisser des pièces vides. »
- « Papy, je n’ai pas besoin de tout cela. Je vaux que mes enfants vivent en communion avec le manoir, et non qu’ils soient séparés de vous. Bien sûr, je vais engager un ouvrier jardinier à plein temps car avec cette nouvelle naissance, je ne pourrai plus m’investir autant dans la culture aux serres. Les nouvelles boutures me donnent satisfaction mais il faut surveiller les nouveaux plants. Que pensez-vous de cette idée ? »
Adhémar réfléchit puis répliqua :
- « Tu as raison Clémence. On ira voir l’organisme pour l’emploi et l’embauche après Pâques. » Regardant son petit-fils, il continua :
- « Et toi, dis-nous… es-tu content de ton voyage ? »
Maxime alla rechercher sa mallette. Il la déposa sur la table du salon, l’ouvrit, prit des papiers et dit :
- « Voilà Papy. Trois nouveaux contrats pour trois firmes différentes. Nous allons fournir des roses en bouquets pour une grande marque de grands magasins, à savoir Carrefour. Bien sûr il faudra suivre et être compétitif à chaque instant. Nous devrons aligner nos prix sur les concurrents mais il y a un bon potentiel à exploiter. Ensuite, le second contrat a été passé avec une chaîne de fast-food. Nous décorerons leurs tables de restaurants avec nos mini-rosiers. Et enfin, et non des moindres, le troisième contrat. La plus grande société par correspondance de jardinage et de travaux paysagistes pour le pays engage notre fondation afin de leur fournir annuellement tous les plants de rosiers pour leurs projets à accomplir chez les particuliers. »
- « Quelle est cette société Maxime ? » dit le vieil homme inquiet.
- « Rassure-toi Papy. Le contrat est en béton armé. Notre conseiller fiscal était avec moi. Il s’agit de Bakker. »
- « YESS ! » dit le comte en tapant dans ses mains. « J’ai rêvé de cet instant toute ma vie. Tu es génial Max !!! Bravo mon garçon ! »
Le jeune couple rassuré de voir leur grand-père aussi heureux, laissèrent un ‘ouf’ de soulagement s’échapper. Le jeune homme regarda les enfants toujours groggy par la fatigue et ajouta :
- « Allez, les petits Lous, on file au lit en silence car je pense que vos petits frères dorment déjà. »
Jean-Benoît prit ses deux petites sœurs par la main et ils montèrent délicatement les marches de l’escalier suivis de près par leur mère qui envoya de la main un bisou amoureux à son petit mari.
Maxime regarda son grand-père et dit :
- « Il y a quelques années, tu m’as donné ma chance Papy… A cette époque-là, qui aurait pu dire que j’aurai un jour une aussi belle et grande famille ? Pas moi en tout cas. J’avais pratiquement perdu Clémence et je ne voyais pratiquement plus Jean-Benoît et Marine. Aujourd’hui, ma femme est folle de moi, j’ai de magnifiques enfants que j’adore, je possède une entreprise florissante… » Il se dirigea vers la cheminée sur le mur de laquelle trônait la peinture de sa grand-mère. Il posa sa main sur la main de celle-ci et ajouta :
- « Mamy… tu me manques… tu nous manques à nous tous Mamy chérie… »
- « Allez gamin… »dit le comte en lui donnant une tape amicale sur l’épaule. « Elle est là, au milieu de nous tu sais … Moi en tout cas, je la sens continuellement à mes côtés. »
Les deux hommes se regardèrent tendrement. Clémence, qui avait entendu la conversation, les rejoignit et ajouta :
- « Papy, nous avons une autre nouvelle pour vous. »
- « Ah non !!! ça suffit ! » répliqua le vieil homme.
Clémence éclata de rire puis poursuivit :
- « Non, papy, n’ayez crainte. On voulait juste vous prévenir que si le petit bébé était une fille, elle s’appellerait Adèle et si à l’inverse nous avions un autre petit gars et bien il se nommerait Adhémar. »
- « Oh pauvre gosse !!! » rétorqua le comte. « Tu ne vas pas lui faire un coup pareil ? non ??? »
- « Vous ne seriez pas heureux papy ? »
- « Mais imagine un peu les railleries à l’école !!! Non, Clémence. C’est bien gentil mais à notre époque un ‘Adhémar’ ferait rire auprès de ses petits camarades. Donne-lui le prénom d’Adelin, ainsi, votre grand-mamy partagerait également cette fête.
- « C’est une idée ça Papy, une excellente idée même ! Qu’en penses-tu Maxou ? »
- « Oui ma chérie, c’est une très très très bonne idée. »
Changeant de conversation, il ajouta :
- « Dites les petits… les enfants ont fabriqués des nids de Pâques. Et si on leur organisait une fête qu’ils ne seront pas prêts d’oublier ? »
Maxime et Clémence acquiescèrent puis le jeune prenant délicatement son épouse par le cou dit :
- « Je suis éreinté… et si nous allions coucher ? »
- « Oui, les petits monstres m’ont complètement lessivés, allons prendre un peu de repos. »
- « Allons-y ! » dit Clémence. Demain nous serons samedi. Nous préparerons Pâques méticuleusement, sans rien dire aux enfants. Tu branches l’alarme Maxime ? »
Maxime déposa un petit bisou dans la nuque de sa petite femme, et, ensuite embrassa son Papy qui monta se coucher.
Toute la journée du lendemain fut un long parcours du commando.
Les enfants guettaient le passage des cloches dans le ciel bleu. Un air de printemps régnait sur le domaine. Le tapis bleu de muscaris fleurissait les bords des parterres des deux allées. Clémence avait renouvelé les plantes printanières de deux jarres présentes sur l’avant cour. Ayant marié primevères et violettes, les coloris chatoyants égayaient le petit manoir.
- « Maman, comme elles sont jolies ces petites fleurs ! J’aime le mauve et l’orange et OH comme celle-ci ressemble au soleil ! Son jaune est si étincelant » dit Jean-Benoît admirant le travail de sa maman. « Tu as vraiment beaucoup de goût ma tite maman chérie ! »
- « Merci mon cœur. Tu surveilles tes frères et sœurs n’est-ce pas ? »
- « Oui oui, ne t’inquiète pas. Marine et Léa ont le nez en l’air depuis ce matin hihihi ! »
- « Chut bonhomme ! ne dis rien… elles sont si mignonnes… Tu sais, je suis fière de toi mon grand. Tu ne les as pas frustrées ; tu les as laissé croire aux cloches de Pâques. Tu es un grand frère en or. »
Jean-Benoît, au tréfonds de son âme et de son cœur, aimait croire que des cloches gigantesques, rangées en formation, allaient voler au-dessus du domaine semant çà et là des centaines d’œufs en chocolat multipliant de par ces semis, une étendue de petites tâches de dizaines de couleurs vives. Du haut de ses huit ans, il n’en restait pas moins un petit garçon rêveur et avide de surprises. Il s’imaginait voir des milliers de sonnailles de toutes tailles dans le bleu azur et se voyait courir dans les prairies en compagnie de ses deux sœurs. Il se représentait sautant au-dessus des crocus naissants de peur de les écraser.
Le soir venu, la petite famille, campée devant la télévision, écoutait avec attention la météo. La présentatrice annonça un lendemain merveilleux, sans froidure ni nuages… bref, la perfection absolue pour chasser les œufs. Pour être certains, Adhémar et Maxime regardèrent les prévisions de deux autres chaînes et toutes deux confirmèrent les prédictions de la première. Lorsque les enfants furent partis au lit, Clémence ayant au préalable regardé vers l’escalier pour ne pas y découvrir ses petites têtes blondes, dit :
- « Bon, ils sont si impatients et le grand me semble encore plus acharné que les deux petites. Sommes-nous prêts pour demain Papy ? »
- « Oui ma puce. Maxime a arrangé notre emploi du temps et de plus nous allons ouvrir le domaine aux visiteurs. Des folders ont été déposés dans toutes les boîtes aux lettres grâce à notre ami Vincent, le postier. Nous ne pouvons faire aucun bénéfice au nom de la Fondation. Vu que les contrats sont florissants cette saison, le pâtissier nous a vendu l’intégralité de son stock de chocolats de Pâques. Les parents viendront avec les nids de leurs propres enfants et nous les garnirons. Au fait Clémence, tu as la garde des deux petits. Max et moi-même nous chargerons des aînés. »
Adhémar semblait aussi enjoué que ses arrières petits enfants. Il avait tout prévu. De la commande à la réception des œufs en sucrerie, de la maintenance journalière à la sécurité du domaine en engageant des jardiniers et surveillants d’un jour. Il dit :
- « Nos gens arriveront à 5 heures du matin. Une vingtaine de torches est disponible dans l’atelier. Nos tracteurs tondeuses seront tous montés de leur remorque et aideront à la dispersion des œufs. Dès l’arrivée de nos petits et des petits du village, nous leur laisserons la tache de lâcher nos lapins et lapereaux de leurs clapiers. Ils ont été élevés en prévision de retour à la nature. Les enfants seront enchantés… vous verrez ! »
Le lendemain, le vieil homme et Maxime se levèrent de bonne heure et se rendirent à l’atelier afin d’attendre le personnel. Une fois celui-ci arrivé, ils se partagèrent le domaine en parcelles et partirent décorer les immenses pelouses. Sachant très bien où Léa et Marine allaient régulièrement fureter, Adhémar y plaça leurs propres nids, qu’il fournit généreusement. Au lever du jour, la masse d’œufs de Pâques avait été placée et les jardiniers d’un jour décorèrent l’allée, les cours et les terrasses de ballons multicolores gonflés à l’hélium. Des tables furent dressées sur la première avant cour du jardin et des gobelets en plastic attendaient d’être remplis de la délicieuse limonade biologique fabriquée par les femmes du village, amies de Clémence.
Lors du réveil des enfants, à 7h, la jeune maman les aida à patienter jusque 8 heures, leur donnant un copieux petit déjeuner. Elles les habilla de vêtements usagés, sachant très bien qu’ils allaient se salir comme jamais auparavant. Maxime lui donna un coup de main les empêchant de sortir au jardin. Adhémar attendit le voisinage aux portes du domaine et apercevant les premiers visiteurs arriver, il ouvrit le portail les laissant emprunter la longue allée menant au manoir. Se dirigeant vers le parlophone, le comte appuya sur la touche ‘power’ et dit :
- « Allo le QG, ici la ligne de front. Tu m’entends Maxime ? »
Le jeune éclata de rire.
- « Oui Papy, je peux mettre en route ce que tu sais ? »
- « Oui, place les fenêtres sur oscillo-battant, baisse le son de la radio et mets en route la sonorisation. »
Le jeune homme s’exécuta sans attirer l’attention de ses petites têtes blondes occupées à terminer leur repas. Il déclencha le système sonore et 6 hauts parleurs distillèrent un tintement simulant le son émis par une vingtaine de cloches. Les enfants entendirent cette douce musique si chère à leurs petites oreilles. Bouleversés, ils sautèrent tous trois dans leurs bottes et sortirent au jardin. Le spectacle qui s’offrait à leurs yeux les émerveillait… des centaines d’œufs multicolores parsemés dans les pelouses. Certains semblaient comme déposés spécialement dans des nids posés à même le sol. Les enfants du village commencèrent leur quête en compagnie de Léa, Marine et Jean-Benoît. Celui-ci dit :
- « Maman, je peux y aller également ou dois-je rester auprès de Charles et de Louis ? »
Clémence l’embrassant sur le front répliqua :
- « Vas-y mon cœur. Je vais ramasser quelques œufs ici, tous près, avec tes frères. Vas t’amuser mon grand. »
Se dépêchant à rejoindre ses sœurs et amis il lui lança :
- « Merci maman chérie, je t’aime ! »
Du haut de leur terrasse, Adhémar et Maxime admirèrent cette vision idyllique. Soudain Vincent, le facteur, s’approcha et se mit à rire.
- « Mais qu’as-tu gamin ? »dit le comte.
Le postier plié en deux, les mains appuyées sur les genoux dit en continuant de rire :
- « Mais c’est terrible ce mimétisme entre vous deux. Mais regardez-vous !!! Vous portez la même chemise, le même petit gilet en cuir. Vous êtes postés dans la même position et froncez les sourcils de la même manière. »
Intrigués, les deux compères se regardèrent… En effet, sans se concerter, ils s’étaient habillés dans le même style. Même couleurs de vêtements, mêmes gestes… même ‘tout’.
Maxime se mit à rire et Adhémar embraya.
Clémence occupée avec les jumeaux s’amusa de les voir aussi complices et dit :
- « Les chiens ne font pas des chats, Vincent ! »
Parvenus au centre de la pelouse principale où avaient été installés les différents clapiers, Jean-Benoît, ses sœurs et leurs amis et amies suivirent l’ordre donné par un jardinier et ils ouvrirent les petites barrières laissant les lapins s’enfuir et rejoindre les abords des terrains.
Les cloches cessèrent de tinter tandis que les enfants s’enfoncèrent plus en avant dans tout le domaine suivis de leurs parents.
Cette matinée de Pâques fut magique au travers des yeux des plus petits mais également ceux des plus grands.
Deux petites filles remontèrent du jardin. Il s’agissait de Léa et de son amie. Elle dit à Adhémar :
- « Papy, c’est mon amie… tu sais… je t’ai parlé d’elle quand on fabriquait les nids. »
- « Ah oui choupette… et alors ? »
Léa prit la main de son amie Sonia et celle-ci prit la parole.
- « Monsieur le Comte, je ne voulais pas faire du mal à Léa mais je pensais qu’il était temps qu’elle sache que les cloches porteuses d’œufs de Pâques n’existaient que pour la légende racontée aux tous petits. »
- « Oui et alors ? »dit le vieil homme.
- « Je me suis trompée Monsieur le Comte. J’avais bien tort de douter de tout cela. Mais vous savez, dans mon cœur je n’ai jamais cessé de rêver. »
- « Chuttt ma petite… je sais tout cela. Allez, courez rejoindre les autres et profitez de vos âmes d’enfants.
Tandis que Sonia s’éloignait, Léa sauta dans les bras d’Adhémar et doucement chuchota à son oreille :
- « Papy, je t’aime tant si tu savais… »
Le Comte, la larme à l’œil répliqua :
- « Je le sais Pitchoune, je le sais… je t’aime, toi, et tes frères et sœurs. »
********************************************************************************************
Gros bisous